Chapitre 9 – Dans le bus

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Voila, elle était en route pour Cape Town. George avait eu raison, elle s’était convaincue de poursuivre le voyage. Une fois de plus, elle regardait un paysage progresser lentement au travers d’un pare-brise. Cette fois-ci, le pare-brise était immense, trop grand même pour qu’elle puisse le voir d’un seul coup d’œil.
Elle était assise au sol, sur la dernière marche de l’escalier qui permettait d’entrer et de sortir du bus, à côté du conducteur. Enfoncé sereinement dans son gros siège, il ne semblait faire qu’un avec son véhicule. Il l’emmenait avec assurance vers une nouvelle aventure, elle et soixante autres passagers, rangés deux par deux dans des sièges étroits et usés.
Leur faible allure, leur hauteur, leur inertie, les rendaient maîtres de la voie. Rien ne pouvait les ébranler. Elle surveillait tout ce qui se passait derrière eux grâce aux gros rétroviseurs : des voitures les suivaient en gardant leurs distances, hésitant à doubler.
Une musique énergique était diffusée par des hauts parleurs accrochés au plafond. Elle n’en comprenait pas les paroles, il s’agissait d’une sorte de gospel. Les mélodies simples s’amalgamaient avec le bruit sourd du moteur, réverbéré dans la vieille carcasse du bus, couvrant une dizaines de conversations en autant de langues différentes.
Le conducteur battait la mesure en tapant son index contre le volant. Il portait un large polo jaune et une casquette à l’effigie de la compagnie de bus. Une montre dorée, au bracelet lâche, se promenait le long de son avant bras. Il tournait régulièrement son regard sérieux et ridé vers Sayowa, avant de se reconcentrer sur la route. Il accompagnait de temps à autre une chanson qu’il appréciait en fredonnant, faisant raisonner sa voix de baryton.
L’hôtesse du bus déboula de l’arrière et dit quelques mots au conducteur. Ils communiquaient dans un langage qui amusait Sayowa : au milieu d’une phrase, parfois, ils faisaient claquer leurs langues, provoquant un clic sonore. Elle avait déjà entendu des gens parler avec des clics, mais elle trouvait toujours ce procédé exotique. Ce dialogue était d’autant plus divertissant que le conducteur, dont elle connaissait le timbre grave lorsqu’il parlait anglais, utilisait alors une intonation plutôt aiguë.
L’hôtesse s’assit à un siège du premier rang qui lui était réservé.
– Le voyage se passe bien ? demanda-t-elle à Sayowa, d’une voix articulée.
Celle-ci se retourna et acquiesça.
L’hôtesse lui souriait gentiment. Elle portait une version féminine de l’uniforme du conducteur. C’était une petite jeune femme, frêle. Elle arborait une grosse touffe de cheveux désordonnés qui rebondissaient lorsqu’elle bougeait la tête et avait les dents un peu en avant. Elle se tenait et bougeait avec une confiance qui la rendait jolie.
– Avec un chauffeur comme moi, comment le voyage pourrait mal se passer ? dit le conducteur, ayant récupéré sa voix de basse.
L’hôtesse lui passa une boite en plastique contenant une portion de riz, une mixture à base de légumes verts et d’autres ingrédients non identifiables. Il la posa sur ses genoux et l’entama, une main maniant la cuillère, l’autre le volant.
Sayowa partagea un repas similaire avec l’hôtesse. La jeune femme resta assise sur son siège et se courbait pour que la fillette, toujours au sol, puisse atteindre le plat.
L’équipe du bus, bien qu’ils ne communiquèrent pas beaucoup entre eux, semblait soudée : le conducteur, l’hôtesse et encore un autre que Sayowa avait aperçu quand elle avait embarquée à la station de Swakop.
Depuis leur départ, elle s’efforçait de ne pas penser au fait que, malgré tout ce qui lui était arrivé, elle avait une fois de plus fait le choix « déraisonnable », plutôt que de rentrer chez elle. Elle préférait remarquer cet arbre parasol solitaire au milieu de la savane sèche, plutôt que de penser qu’elle n’avait presque aucune chance de trouver Stefano à Cape Town. Saisir l’utilité de ce grillage qui longeait la route depuis des kilomètres l’intéressait beaucoup plus que de comprendre qu’elle n’était plus vraiment à la recherche de l’ami de son grand-père. Mais alors, elle était à la recherche de quoi ? Tiens une famille de babouins qui semble faire du stop au bord de la route. Un bébé est accroché au ventre de sa mère, la tête en bas.
L’équipage ne lui avait posé presque aucune question quand elle les avait abordé, même alors qu’elle n’avait pas d’argent. C’était très bien ainsi. Si elle ne pouvait pas s’empêcher de se poser des question à elle même, au moins elle n’était pas obligée d’y répondre.
Peut-être que c’était pour George qu’elle avait continué ? Il avait semblé voir quelque chose en elle qu’elle même ne voyait pas encore. Peut-être que de la voir courageuse lui donnait à lui-même le courage de prendre sa vie en main.
Ils passèrent une maison solitaire. La région qu’ils traversaient était complètement dépeuplée, plate, jaune, écrasée par le ciel bleu, sans nuage. Quelques rochers et quelques arbres seuls lui donnaient un peu de relief.
Sayowa pivota d’un quart de tour, s’appuya le dos contre la cabine du conducteur et put ainsi allonger les jambes. Il devait il y avoir encore vingt heures jusqu’à Cape Town, autant essayer d’être un minimum confortable. Cape Town était tellement loin de chez elle, comment allait-elle rentrer ?
Elle jeta de discrets coups d’œil sur le côté, vers les passagers. Il y avait, assis sur la première rangée de sièges, une paire de meme absorbées par une discussion sans doute très importante. Derrière elles, un homme en costume avec une mallette en cuir sur les genoux, puis une mère donnant le sein à son enfant, des jeunes, des vieux, des qui semblaient aisés, des plus modestes. Certains étaient ensevelis sous de grosses couvertures, d’autres mettaient une veste sur leurs genoux. Toutes sortes de valises et de sacs pendaient à moitié des porte-bagages trop petits. Sayowa attendit le moment où l’un d’eux s’écroulerait sur la tête de son propriétaire.
Elle préféra se concentrer sur la route. Le paysage était plus intéressant les gens.
Le temps passait lentement, mais cela ne la dérangeait pas. De petits incidents venaient rythmer le périple.
Vers trois heures (elle surveillait l’horaire sur le gros affichage digital au dessus du pare-brise), un troupeau d’une quinzaine de chevaux déboula sur la route, semblant apparaître de nulle part, fit un demi tour serré et disparut une seconde à peine avant le passage du bus. L’événement fut accompagné d’un cri de surprise du conducteur, rameutant immédiatement l’hôtesse qui était partie faire sa ronde au milieu des passagers. Ils échangèrent quelques clics et elle se rassit à sa place.
Régulièrement elle se levait et parcourait le couloir, se trémoussant légèrement au son de la musique, comme si elle avait voulut carrément danser, mais n’osait pas par professionnalisme. Puis elle revenait demander au conducteur d’intensifier la puissance de la climatisation, ou de la réduire, d’augmenter ou de baisser le volume de la musique.
Sayowa, intriguée par ce dialecte qu’ils utilisaient, plaça sa langue sur son palais et la fit claquer, produisant un « toc » sonore qui fit tourner les deux têtes. Ils la regardèrent, ahuris, et éclatèrent de rire en même temps.
– Pas mal, dit le conducteur, mais c’est plutôt comme ça.
Il émit un son qui raisonna dans la cabine.
– Ou alors tu peux faire celui-là, dit l’hôtesse.
Elle fit un O avec ses lèvre, suivit d’un claquement encore différent, une sorte de « tssc ».
Sayowa essaya de reproduire ces deux consonnes, aussitôt corrigée par ses instructeurs : « non, c’est plus comme ça » , « place ta langue là », « fais ça avec tes lèvres », etc.
Cette leçon les occupa jusqu’à ce qu’une voix venant de la masse des passagers se plaigne :
– Ça suffit ! Je veux dormir moi !
Les trois compères échangèrent un regard amusés et cessèrent leur effusion de « ǀ », de « ǁ » et de « ǃ ».
Le soir tombait, l’hôtesse suggéra au conducteur de régler le volume de la musique au minimum. La population du bus se calma. Bientôt il ne subsista plus que le ronronnement du moteur, des soubresauts occasionnels et les lourdes respirations des passagers assoupis.

Sayowa avait toujours les yeux ouverts, la tête inclinée, secouée au grès des irrégularités de la chaussée, l’esprit vide.
Les phares n’éclairaient pas loin devant. Elle concentrait son regard sur la ligne pointillée qui séparait la route en deux, rendu brillante par la lumière des feux, se déroulant sans fin.
Un panneau vert apparut dans la lumière. Il indiquait que la frontière Sud Africaine était à cinquante kilomètres. Il disparut.
« Oh non, encore ça », se dit Sayowa.
Elle soupira, se tourna vers le conducteur concentré sur la route.
– Je n’ai pas de carte d’identité.
– Quoi ? dit-il, distrait.
– Je n’ai pas de carte d’identité.
– Un passeport ?
– Non je l’ai oublié, mentit-elle.
– Eh bien tu dois rester en Namibie.
Elle baissa les yeux, résignée.
– Ou alors…

Quelques centaines de mètres avant la frontière, le conducteur arrêta le bus. Il se leva et fit basculer son siège, dévoilant un petit espace creux.
– A toi de voir, dit-il à Sayowa.
Elle se leva, s’étira longuement les bras et les jambes, jugea la cellule, avant d’enjamber la cabine et de se laisser glisser. L’emplacement semblait être fait exprès pour elle, suffisamment large pour qu’elle puisse s’asseoir les genoux repliés contre la poitrine, juste assez haut pour que le sommet de son crâne ne dépasse pas.
– Et surtout quoi qu’il arrive, pas un bruit, je ne veux pas d’ennuis moi.
L’hôtesse, qui avait tiré un rideau pour cacher cette opération au reste des passagers, ne semblait pas approuver le subterfuge.
Le conducteur fit un petit au-revoir de la main et referma la trappe, laissant Sayowa dans le noir.
Sa respiration envahissait tout le volume. Elle sentait son souffle glisser sur ses bras et ses cuisses, remplir la cave d’une odeur chaude.
Le moteur rugit, tout trembla. Elle sentit qu’ils avançaient. Mais qu’est ce qu’elle faisait là ? Est ce que c’était bien sérieux tout ça ?
Ils passèrent une bosse qui fit cogner sa tête contre le plafond. Elle posa la main à plat vers le haut et parvint ainsi à éviter une deuxième collision, alors qu’une nouvelle secousse la faisait décoller.
Ils roulèrent encore un peu, puis les vibrations cessèrent. Une grande variété de sons non-identifiés raisonnèrent dans les parois avant de s’éteindre les uns après les autres, la laissant dans le silence complet.
Elle attendit.
Elle ne comprenait toujours pas vraiment pourquoi elle n’avait pas le droit de passer d’un pays à l’autre sans tout ce manège. Qui avait décidé ça ?
En fait, elle connaissait plus ou moins les réponses à ces questions, mais ne les trouvaient pas satisfaisantes. Pour elle, le monde n’était pas bien fait. Ainsi, d’un certain côté, elle se sentait fière de défier une autorité qu’elle n’approuvait pas. Personne ne pouvait l’empêcher d’aller où elle voulait. Si elle voulait aller à Cape Town, elle allait à Cape Town.
Toujours pas un bruit, en dehors de son souffle et du battement de son cœur.
Ce voyage en fait, elle ne le faisait pas pour Stefano, ni pour la pizza, ni pour Inyambo, ni pour la dame blonde. Elle le faisait pour elle, parce qu’elle voulait continuer, voir jusqu’où elle pourrait se rendre.
Un fracas sourd la fit sursauter. Elle attendit encore mais rien ne suivit. Elle reprit le fil de sa pensé.
Oui, voila, mais il fallait qu’elle fasse attention quand même, elle avait été imprudente dans le désert, on ne l’y reprendrait plus. Dorénavant, plus de situations dangereuses.
Un autre chahut fit cette fois se balancer le bus de gauche à droite.
Était-elle dans une situation dangereuse en ce moment même ? Elle ne savait pas quelles seraient les conséquences si elle se faisait attraper. Ça ne devait pas être bien méchant, elle n’était qu’une enfant après tout. Elle se ferait peut-être tout simplement ramener chez elle. Après s’être faite grondée bien sûr, mais ça elle s’en fichait.
Elle entendit la porte du bus s’ouvrir, quelqu'un monter les escaliers. Le bus démarra et ils avancèrent, puis s’arrêtèrent. La personne descendit. Silence.
Elle posa la tête sur le côté et ferma les yeux.
Plusieurs personnes montèrent en parlant, le son de leur voix étouffé. Ils sortirent. Le bus avança, puis s’arrêta. Un nouveau tumulte, des craquements, des voix, ils avancent, ils s’arrêtent.
Tout cela dura bien trop longtemps, il y eut bien trop d’allers-retours.
Sayowa chanta dans sa tête pour faire passer le temps, restant toujours vaguement attentive aux sons qui lui parvenaient, au cas où l’un d’eux l’alerte de quelque chose.
Enfin, un brouhaha indiqua que les passagers rentraient. Le moteur vrombit et ils avancèrent.
Au bout d’une minute, elle se demanda si on ne l’avait pas oublié et hésita à se signaler.
Le bus stoppa, la trappe s’ouvrit. Le visage du conducteur l’accueillit, souriant.
– Salut ! Alors comment c’était là dedans.
– Très cosy, j’aurais put y rester toute la nuit, dit-elle en s’extirpant de sa cachette.
Elle enjamba le siège et s’étira les membres. Le rideau était fermé, l’hôtesse était là, ne disait rien.
– Tu vois, il n’y a pas eu de problème, lui dit le conducteur.
Sayowa compris qu’il continuait une conversation qu’ils avaient commencé plus tôt. L’hôtesse ne répondit que par un mouvement de sourcils.
Il reprit sa place, le bus reprit sa route. Sayowa resta debout, elle avait besoin de rester un moment les jambes tendues. L’horloge indiquait une heure du matin.

Après une demi-heure, ils s’arrêtèrent à une station service : ils ne s’étaient arrêtés que rarement depuis Swakopmund, après plus de douze heures de route.
La porte s’ouvrit et tous débarquèrent : Sayowa d’abord, suivie du conducteur, puis le reste des passagers, uns par uns, et enfin les deux hôtes.
L’endroit était à peine éclairé. Un néon illuminait la seule pompe à essence, une ampoule l’entrée de la petite boutique. Un peu en retrait, cachée dans l’obscurité, une baraque construite en plaques de zinc attirait la plupart des voyageurs. On y vendait des biscuits, des sucreries, de la viande en morceaux grillée à la braise dans un demi-tonneau.
Le conducteur y entraîna Sayowa et acheta une portion de kapana avec une bouteille de boisson citronnée. Ils mangèrent debout sans échanger un mot, il avait l’air épuisé.
Au moment de repartir, il se dirigea vers le fond du bus. Un autre homme, portant aussi l’uniforme, prit sa place. C’était la première fois que Sayowa le remarquait.
Il n’eut pas un mot ni un regard pour la fillette, il se contenta de démarrer et de conduire, penché en avant, près du volant, concentré. L’hôtesse s’installa toujours à la même place, les jambes pliées sur le coté, les paupières closes.
Sayowa comprit que rien de plus ne se passerait jusqu’au matin. Elle se blottit contre la cabine du conducteur, serrant son chitenge entre ses bras. Elle ferma les yeux.
La musique, qui avait toujours été présente, mais à un volume très faible, explosa soudain dans l’habitacle. Elle ouvrit vivement les yeux, surprise par ce regain de volume. Les passagers n’avaient pas bronché, ni l’hôtesse, le nouveau conducteur avait gardé la même attitude. Elle accepta qu’elle devrait supporter ce fond sonore, sa tête retomba.
Elle ne parvint pas à s’endormir. Son esprit tourbillonnait de questions, elle ressassait ses idées, ses décisions. Elle pensait à Inyambo qui l’avait envoyé sur une fausse piste. Elle ne lui en voulait pas. Elle pensait à ce qu’elle allait dire quand elle rentrerait à l’école, ayant loupé plusieurs jours de cours.

Elle avait dut s’endormir car elle se réveilla, sans souvenir précis de ses réflexions nocturnes. Le bus était à l’arrêt, la musique s’était tue, il faisait jour. Le nouveau conducteur était debout, les mains dans une trappe ouverte sur le tableau de bord. L’hôtesse observait ses manipulations d’un air inquiet.
– Qu’est ce qui se passe ? lui demanda Sayowa.
– On ne sait pas, répondit-elle.
Les passagers étaient agités, regardant par dessus leurs sièges pour voir la raison de ce contretemps.
Le premier conducteur vint à l’avant et conversa avec le nouveau. Il s’excusa auprès de Sayowa qui s’écarta, et plongea le regard dans l’amas de fils électriques. Il pressa quelques boutons, dit quelques mots et actionna un levier qui ouvrit la porte.
Sayowa comprit qu’elle allait bientôt gêner le passage. Elle anticipa et descendit les marches pour sortir du bus. En jetant un regard vers le haut pour contrôler l’heure, elle vit que l’horloge indiquait : « 88:88 ». Voilà un horaire qui n’était pas valable.
A l’extérieur, l’air frais et la lumière basse lui indiqua qu’ils étaient le matin.
Les deux conducteurs sortirent à leur tour, manipulèrent différents compartiments à l’avant et sur les cotés du bus, observant les tuyaux, les fils, les voyants.
Quelques autres passagers émergèrent aussi, l’air ahuri, endormi, ou agacé.
Ils stationnaient au milieu d’un virage, en hauteur, entre une falaise de roche brune et un précipice qui surplombait une vallée verte. Quelques montagnes au loin, mais aucun village, aucune maison. Le vent soufflait bruyamment et transportait les nuages rapidement.
« Mais qu’est ce qui ce passe ? » , « C’est pas bientôt fini ? » , « Bon on y va non ? » , « C’est bien la dernière fois que je prends cette compagnie ! » Chacun y allait de son commentaire et peu à peu tous les passagers furent sur le bord de la route. L’équipage dut gérer la foule, veillant à ce qu’ils restent en sécurité à côté du bus, qu’ils ne s’aventurent pas sur la chaussée. Ils se voulaient rassurant. Ils durent tout de même admettre que le problème, quel qu’il soit, n’était pas encore identifié, mais que les conducteurs étaient des experts en mécanique qui méritaient toute leurs confiance.

Beaucoup de temps passa. Certains passagers retournèrent s’asseoir dans le bus, d’autres préférèrent les rochers. Sayowa, après avoir escaladé chacun des plus gros cailloux plusieurs fois, se mit en tailleur par terre.
Parfois un des conducteurs tentait un démarrage. Le bus alors ronronnait un peu puis s’arrêtait dans un grincement décevant. Une fois, le moteur se lança pour de bon et on crut qu’ils avaient réussi. La foule hurla : « hourra ! », « hallelujah ! », mais la combustion stoppa dans un grand claquement métallique, mettant un terme immédiat aux célébrations.
A en juger par la position du soleil dans le ciel, au moins deux heures étaient passées depuis la panne. Les quatre employés de la compagnie de transport commençaient à paniquer, les passagers à désespérer.
Sayowa seule semblait accepter la situation. Puisqu’elle ne savait plus vraiment quel était son but, puisqu’elle n’avait que peu d’espoir de trouver Stefano, elle se disait qu’elle était là pour le voyage et non pour la destination. Hors, cet arrêt faisait partit du voyage.
En plus, la vue était pas mal !

Une petite voiture violette s’arrêta à leur niveau. Par la fenêtre ouverte, la femme qui la conduisait échangea quelques mots avec les deux conducteurs.
Sayowa s’approcha. Il y avait quelque chose d’écrit sur le coté de la voiture, en grosses lettres jaune : « Stellenbosch Olive Oil Co. »
Sans qu’elle ne sache trop pourquoi, cette inscription l’intrigua. Instinctivement, elle sortir le papier, la liste des ingrédients, de la poche de son t-shirt et la parcourut des yeux.
« Farine… Levure… » Elle eut une exclamation.
– Olive ! cria-t-elle.
Elle s’élança en agitant les bras vers la petite voiture violette et la rattrapa alors que celle-ci était sur le point de partir.

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Texte extrait de « Recette de pizza pour débutant » © (SACD) Thomas Botte

Thomas Botte